Avoir une approche professionnelle vis à vis des influenceurs s’avère aujourd’hui indispensable. Les marques devraient être très professionnelles dans leur collaboration avec eux en exprimant clairement les termes de chaque mission. Pour celles qui travaillent régulièrement avec des influenceurs, et notamment dans le cas de partenariats de longue durée, la meilleure solution consiste à mettre en place une charte. Il s’agit d’une sorte de code de bonne conduite qui permet d’assurer un encadrement des partenariats et une transparence des actions menées.
Orange, pionnier en matière de charte ?
Ce genre d’initiative est apparue il y a quelques années avec les réseaux sociaux. Les marques établissaient des chartes de bonne utilisation des différentes plateformes sociales pour leurs collaborateurs. Je me souviens notamment d’Orange qui, en 2011, avait largement communiqué sur son guide de bonnes pratiques des médias sociaux. Il était destiné aux employés mais aussi aux prestataires et aux différentes parties prenantes du groupe qui souhaitaient s’exprimer sur les réseaux.
Ces “Social Media Guidelines” étaient conçus comme un manuel de l’utilisateur avec une présentation des réseaux sociaux, une explication de la stratégie du groupe et comment utiliser les outils associés. L’image de la marque était également au coeur de ce guide avec des recommandations sur les pratiques de publication et d’échanges. En parallèle, Orange avait réalisé une charte des meilleures pratiques de transparence dans les médias sociaux. Ce document s’adressait par exemple aux blogueurs ou aux personnes qui communiquaient avec des blogueurs.
Pourquoi mettre en place une charte pour les influenceurs ?
Que ce soit pour des collaborations avec des influenceurs à forte notoriété ou des micro-influenceurs, il est important de créer un guide propre à chaque marque qui fixe un cadre adapté et des règles précises pour la mise en place de partenariat.
J’ai interrogé Guillaume DOKI-THONON, le fondateur de Reech, une solution experte en marketing d’influence, à ce sujet. “Je partage ton avis Camille sur le fait que ce soit une très bonne stratégie de la part d’une marque de mettre en place une charte de collaboration avec les influenceurs et de communiquer dessus, autant auprès des influenceurs que du grand public, qui sont en fait les followers. Le désir de transparence par ces derniers est très important et l’étude Harris Interactive pour Cetelem (Mars 2018) démontre bien leur maturité sur le sujet : 79% des répondants considèrent les influenceurs comme des partenaires des marques, engagés dans des démarches de promotion qui influencent leurs conseils et recommandations.”
Il faut préciser que les termes des partenariats sont parfois très simples et les risques peu importants, par exemple lors de simples tests de produits, mais se lancer dans ce type de collaborations sans les cadrer, peut quand même être dangereux pour les marques.
Les dérives liées aux collaborations avec des influenceurs et au manque de transparence sont nombreuses… L’ARPP, Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité, a pris le problème à bras-le-corps l’année dernière, avec la rédaction de règles de bonnes pratiques. “La collaboration commerciale doit être portée à la connaissance du public de manière explicite et instantanée”. En clair, il faut indiquer explicitement le partenariat dans les publications. Il faut aussi vérifier le nombre d’abonnés des influenceurs. Les marques qui se font abuser par des influenceurs ayant acheté des fans sont trop nombreuses. Nous verrons comment Unilever a réagi face à cette dérive.
Unilever, une initiative remarquable !
Travailler avec des influenceurs peut aussi être risqué s’ils pratiquent l’achat de followers. Le groupe Unilever, deuxième plus gros annonceur mondial, n’a plus envie d’investir des sommes considérables sans garantie. Il a donc récemment décidé de communiquer sur la condition indispensable pour travailler ses marques : ne pas avoir acheté de followers ou de likes. Ceux qui souhaitent associer leur image aux marques Ben & Jerry’s, Magnum ou Axe devront être irréprochables sur ce point.
Unilever souhaite avant tout préserver la relation de confiance entre les consommateurs et ses marques. Une démarche qui va dans le sens d’une demande de transparence et de cette fameuse charte. Cette condition devrait être un des engagements demandés par toutes les marques aux influenceurs.
Keith Weed, Directeur marketing d’Unilever, explique sur L’ADN que “La confiance se construit lentement mais se brise en un instant. Il y a beaucoup de très bons influenceurs mais il y a quelques pommes pourries qui empoisonnent tout le monde. Le problème c’est qu’à partir du moment où la confiance se brise, tout le monde est affectés.”.
AccorHotels, l’exemple à suivre !
Le groupe hôtelier a réalisé une charte de “collaboration influenceurs” pour fixer le cadre des partenariats et créer une relation transparente avec les partenaires. Quelles informations figurent dans cette charte ? D’un côté, les engagements de AccorHotels, de l’autre ceux des influenceurs. Quels sont les 3 premiers engagements du groupe ? Proposer une expérience personnalisée et adaptée aux attentes des influenceurs. Orienter vers la marque du groupe qui correspond le mieux au projet des influenceurs. Apporter une réponse adaptée aux questions des influenceurs. Qui des engagements des influenceurs ? Les premiers engagements sont les suivants : Transmettre bien en amont les propositions de partenariat. Respecter les engagements RSE de la marque. Respecter l’identité de la marque.
Découvrez tous les engagements de la charte d’AccorHotels en une infographie.
AccorHotels précise que le contenu de cette charte a vocation à évoluer avec le temps. L’objectif est de s’adapter aux différentes pratiques des influenceurs sur les réseaux sociaux. Tiphaine Hecketsweiler, Chief Communications Officer chez AccorHotels, explique sur L’ADN que l’initiative vient du département communication.
“Il y avait un paradoxe entre notre besoin de véhiculer une information de qualité, pérenne, et le côté éphémère des influenceurs, qui changent beaucoup et ont un cycle de vie assez court”. Elle va même plus loin en parlant d’un label pour les influenceurs : “Il y a des entreprises qui essaient de développer des labels, c’est une vraie question sur l’évolution de nos métiers et de celui d’influenceur. Dans cette hypothèse, il faudrait que plusieurs marques s’associent pour créer une certification. Les influenceurs ne peuvent pas être limités, revendiqués par une seule marque. Mais ça pourrait permettre de les légitimer dans leurs collaborations avec les entreprises”.
Comment construire une bonne charte de collaboration avec les influenceurs?
Guillaume Doki-Thonon explique que le rôle d’agence conseil que Reech a auprès de ses clients, est idéal pour aider les marques à mettre en place leur propre charte et la communiquer auprès des influenceurs. Il donne pour terminer ces conseils pour construire une bonne charte :
- Sur la divulgation des partenariats, la charte doit aller plus loin que la loi (qui date de 2002 tout de même !) qui demande de la transparence dans les partenariats, voire plus loin que les recommandations de l’ARPP que tu évoquais.
- Traiter la différence entre les partenariats rémunérés et les partenariats contre échange de produits ou services, notamment sur l’implication des influenceurs, la cession des droits d’auteur, les contenus à créer, etc.
- Tenir ses engagements auprès de l’influenceur. Par exemple sur l’envoi du gain d’un jeu concours aux membres de la communautés d’un influenceur. Un délai ou un oubli peut représenter un réel préjudice !
- S’engager à mettre en place un document ou mieux, un contrat pour cadrer chaque point important du partenariat rémunéré : lorsque Reech travaille sur une opération d’envergure, on se rend bien compte que tout a une importance pour la marque et/ou l’influenceur, jusqu’à déterminer si les commentaires d’une vidéo YT doivent être ouverts ou fermés…
- Et surtout, communiquer au maximum sur cette charte, ainsi qu’en interne : il y a encore beaucoup d’entreprises pour lesquels la gestion des collaboration avec les influenceurs est éclaté entre les services (marketing, communication, social media management, RP, média…).
- Enfin, je recommande aux influenceurs et aux agents de travailler aussi sur leur charte de collaboration. Plus notre métier sera transparent, plus il sera efficace et valorisé !
Le statut d’influenceur est en constante évolution. Même si le marketing d’influence n’est pas nouveau, les techniques utilisées changent. Nous assistons à une professionnalisation du marketing d’influence, levier qui occupe désormais une place entière dans la stratégie de communication des marques. Il est donc important de faire évoluer les manières de travailler avec ces influenceurs.